Les 3 objectifs de la RE2020

Le 18 février dernier, le dossier de presse du ministère relatif à la RE2020 a été mis à jour. A cette occasion, sa date d’entrée en application a été repoussée de l’été 2021 au 1° janvier 2022 et quelques ajustements ont été apportées en réponse aux diverses réactions de la profession qui avaient fait suite aux premières annonces.

En effet, le 23 novembre 2020, s’était tenue une première conférence de presse au cours de laquelle les principaux objectifs de la RE2020 avaient été présentés.

Ainsi la RE2020 s’articule autour de 3 objectifs :

  • Donner la priorité à la sobriété énergétique et à la décarbonation de l’énergie
  • Diminuer l’impact Carbone de la construction des bâtiments
  • Garantir le confort en cas de forte chaleur

C’est l’occasion de revenir en quelques lignes sur ces 3 objectifs principaux.

1. Sobriété énergétique et décarbonation de l’énergie

En matière de sobriété, la réduction des besoins doit se traduire par un renforcement de l’ordre de 30 % de l’exigence de résultat relative au coefficient Bbio. Si beaucoup de commentaires des annonces gouvernementales se sont concentrés sur l’interdiction du chauffage gaz en logement individuel dès 2022 et en logement collectif dès 2025, peu ont insisté sur ce critère de réduction des besoins. Et pourtant, si à l’heure actuelle – et depuis plusieurs années déjà – beaucoup de logements individuels embarquent des pompes à chaleur pour le chauffage et la production d’ECS, combien affiche un gain de plus de 30 % par rapport au coefficient Bbio max ?

Certes, à l’occasion de la mise à jour du 18 février et suite aux inquiétudes de nombreux professionnels, cette cible a été ramenée de 30 à 20 % pour les petites maisons et les petits collectifs mais cela reste un objectif ambitieux.
Pour atteindre ces niveaux, la conception des bâtiments neufs devra s’appuyer sur les principes  de la construction passive, avec, au-delà d’une isolation performante, une réflexion sur l‘orientation, la compacité, le traitement des ponts thermiques et l’étanchéité à l’air. Encore plus qu’en RT2012, les simulations thermiques seront à engager le plus en amont possible, afin d’éviter de se retrouver, en fin de phase dossier PC, devant des situations inextricables ou qui engendreraient alors des surcoûts importants.

(Un bel exemple de conception bioclimatique avec ce petit immeuble collectif – 4 logements – construit par Le Toit Vosgien)

Enfin, une dernière remarque, concentrer l’effort sur le coefficient Bbio est théoriquement cohérent mais il serait intéressant d’intégrer également, comme d’autres l’ont déjà proposé, un garde-fou exigeant sur le coefficient Ubât (coefficient moyen des déperditions thermiques du bâtiment). En effet, celui-ci aurait pour effet d’établir un niveau minimal d’isolation performant indépendamment d’une bonne compacité ou d’une bonne orientation. Espérons que les nouvelles modulations apportées au calcul du coefficient Bbiomax permettront au moins de rééquilibrer les niveaux d’isolation quel que soit la taille des bâtiments (les grands bâtiments étant largement favorisés avec la RT2012 – je trouve gênant d’avoir aujourd’hui avec la RT2012 des maisons non conformes avec des Ubât de 0,32 et dans le même temps des collectifs conformes avec des Ubât de 0,67 – exemples vus récemment).

En matière de décarbonation de l’énergie utilisée, la suppression du chauffage au gaz dès 2022 dans les logements individuels est un signal fort, qui a d’ailleurs été la principale information relayée dans les médias suite à la conférence de presse du 23 novembre. En ce sens, c’est une décision importante qui rappelle l’urgence climatique et qui rééquilibre la situation tant la part que la RT2012 a offert au gaz a été très – trop pour une énergie fossile – importante. Rappelons que, pour les logements collectifs, la suppression du gaz en tant qu’énergie principale se profile à l’horizon 2025.

Pour rappel, les seuils donnés par le dossier de presse du 18/02/2021 :

en kgCO2eq/m2/an2022
Entrée en vigueur
202520282031
Maisons individuelles4444
Logements collectifs146,56,56,5
– dont réseaux de chaleur urbains1486,56,5

2. Réduire l’empreinte carbone de la construction

Rappelons d’abord les ordres de grandeur essentiels. Construire, c’est émettre plus de gaz à effet de serre qu’occuper pendant 50 ans. Si l’énergie utilisée pendant cet « usage » du bâtiment est décarbonée, on atteint facilement 2 à 4 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre pour la construction.

Pour réduire l’impact carbone de la construction, la frugalité et le choix des matériaux doivent être constamment à l’esprit des concepteurs, présents pour toutes les décisions :

La frugalité, c’est le moins (qui n’est pas moins bien pour autant) :

  • La préservation de l’existant ; conserver et rénover plutôt que démolir et reconstruire
  • Moins de m² pour un usage équivalent (bien que non valorisé pour l’instant quand l’indicateur est ramené à des m²)
  • Mutualiser certains espaces (parking, espace de convivialité…)
  • Moins de béton armé dans les ouvrages (moins de m3 de béton pour un résultat devant répondre à l’ensemble des contraintes – structure, sécurité incendie et acoustique). Le BET Environnemental devra anticiper pour cela toutes ces contraintes (notamment acoustique) pour optimiser les ouvrages.

La revue Qualité Construction a consacré un article à la construction frugale.

Le choix des matériaux, c’est le mieux :

  • Recours aux matériaux biosourcés qui permettent un stockage du carbone,
  • Recours à des bétons bas carbone,
  • Choix des matériaux, des revêtements en fonction de leur émission de gaz à effet de serre
  • Prise en compte des émissions de gaz à effet de serre des matériaux et produits de construction dans les critères de sélection et dans les CCTP

On peut s’inspirer, entre autres, des travaux du hub des prescripteurs bas carbone et de leur publication, notamment sur la filière béton et les baromètres publiés mensuellement (1° numéro sur les Chiffres clés de l’Observatoire E+C- et les revêtements de sols)

Alors que le premier dossier de presse parlait de « construire systématiquement avec du bois et des matériaux biosourcés » à l’horizon 2030, les ajustements présentés dans la mise à jour du 18/02/2021 précisent bien que les seuils 2031 « seront légèrement rehaussés pour assurer qu’aucun mode constructif ne sera exclu, sous réserve de la mobilisation des différents leviers de décarbonation. »

Ci-dessous les seuils donnés par le dossier de presse du 18/02/2021 (nota : il y a une petite coquille dans le tableau : il s’agit bien de Kg CO2/m² et non Kg CO2/m²/an) :

en kgCO2eq/m2/an2022
Entrée en vigueur
202520282031
Maisons individuelles
(yc. phase chantier)
640530475415
Logements collectifs
(yc. phase chantier)
740650580490

3. Limiter l’inconfort en période de canicule

Il est clair que les logements neufs construits aujourd’hui ne donnent déjà pas satisfaction en termes de confort thermique d’été et que cette tendance ne fera que s’aggraver dans les années à venir compte tenu du réchauffement climatique et des vagues de chaleur plus longues et/ou plus intenses auxquels il faudra faire face.

Ainsi, cet objectif de limite de l’inconfort en période de canicule est le résultat d’un double constat :

  • Il faut améliorer nos pratiques constructives en termes de confort thermique d’été
  • Il faut anticiper les conséquences du réchauffement climatique.

Pour cela, la RE2020 introduira un nouvel indicateur de confort thermique d’été exprimé en degré.heure (DH).

Cet indicateur est déterminé à partir du calcul heure par heure de la température intérieure dans le logement sur la base d’un scenario météo similaire à la canicule de 2003.

L’indicateur correspond aux nombres d’heures dans l’année durant lesquelles le bâtiment dépasserait le seuil de 28°C le jour (26°C la nuit), multiplié par la différence entre la température simulée et l’écart avec cette limite de 28°C (resp. 26°C). Par exemple, pour simplifier, s’il fait 20°C toute l’année dans un logement, excepté pendant 10 jours et 10 nuits durant lesquels la température grimpe à 30°C en continu, l’indicateur du confort d’été sera de 720 DH (2°C x 12h x 10 jours + 4°C x 12h x 10 nuits).

La RE2020 fixera un seuil haut maximal de 1250 DH qu’il sera interdit de dépasser, et un seuil bas à 350 DH, à partir duquel des pénalités s’appliqueront dans le calcul de la performance énergétique.

Nous attendons avec impatience la possibilité de réaliser les premières simulations pour évaluer l’impact de cette nouvelle exigence.

La volonté de prendre en compte sérieusement le confort thermique d’été dans la réglementation est évidemment une bonne chose.

Cette exigence se traduira-t-elle par une réelle modification des pratiques constructives ?

Quelle « solution passive » sera valorisée par ce nouveau critère ? L’inertie ? Les puits climatiques ? Les brasseurs d’air ?

Ces solutions valorisées par la méthode réglementaire seront-elles les plus adaptées à une amélioration objective du confort thermique été ?

Enfin, le dossier presse rappelle également que la qualité de l’air intérieur constitue un des objectifs de la RE 2020 et qu’à ce titre, il sera instauré « un contrôle tiers systématique de la qualité et du bon fonctionnement de la ventilation à la réception des travaux ».